mardi 20 janvier 2009

Wish you were here.

En rage, il alignait ses mots sur le papier. Et chaque mot, chaque virgule, chaque lettre de ce qu'il écrivait ne faisait qu'ajouter à sa colère. La page fut bientôt noircie de mots qui s'entrechoquaient, se superposaient, se livraient une bataille sans merci pour apparaître au-dessus de cet amas infâme et dénué de sens. Son stylo, prolongement de sa main, vomissait les mots comme lui vomissait son mal. Ses yeux balayaient la feuille froissée avec une fureur diabolique. Dans ce fouillis indescriptible, traduction littéraire du désordre de son esprit, il cherchait. Frénétiquement, sans relâche, il cherchait l'inspiration. Et plus il cherchait, plus il la sentait s'éloigner, vaciller, faiblir. Alors il la poursuivit. Il courait derrière elle, comme un dément, à en perdre haleine. Chacun de ses pas martelait furieusement le sol. Et la flamme, légère et volage, papillonait, virevoltait, le narguait de sa hauteur. Lui, lourd, pataud, aveuglé par la colère, ne pouvait qu'essayer pathétiquement de la suivre. Son corps raide se heurtait aux murs, le vent lui fouettait le visage et lui pinçait la peau. A bout de forces, il trébucha et s'affaissa sur le bitume. Sa joue baignait lamentablement dans une flaque de boue. Dans un ultime effort, il roula sur le dos et contempla les toits ignobles de la ville. Au-dessus, le jaune se transformait petit à petit en un bleu intense, éléctrique. les vapeurs d'échappement formaient des nuages gris, fictifs et éphémères, sur ce tapis impénétrable. les immeubles se découpaient en formes fantomatiques, et l'ombre des arbres dessinait sur leur facade les griffes oniriques l'arrachant à la réalité. La feuille froissée et noircie prisonnière de son poing, il s'endormit. Des larmes amers et glacées coulèrent de ses paupières closes. Elles cheminèrent le long de son bras, et vinrent dissoudre l'encre de sa rage. Bientôt le papier ne fut plus qu'une pâte molle et grise, qui lui glissa entre les doigts.
 
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