mardi 12 mai 2009

Lady Jane

Elle faisait partie de ces femmes qui donnent l’impression de sentir la poudre à maquiller tellement elles font d’efforts pour recouvrir leur peau originelle. Elle était maquillée comme une actrice de film érotique chinois, à l’aide d’une tonne d’ombre bleue sur ses paupières épaisses et gonflées par les nuits à pleurer son visage de jeunette, qui aujourd’hui n’était pas loin d’avoir complètement disparu.

Cette femme sentait la lutte; elle tentait désespérément d’arrêter la course du temps sur son visage, sans succès. La lutte la fatiguait, la rendait plus vieille encore. Son crâne dégarni était surmonté d’une masse rouge et permanentée, et elle portait toujours de petites boucles d’oreilles en perle blanche. Si son extrême maigreur n’avait pas faussé la donne, on aurait juré une cantatrice. Elle était toujours vêtue de foncé, et le marron de son sac à main était toujours parfaitement assorti à la couleur de sa robe, qu’elle avait toujours longue, comme pour cacher le maximum de son corps flétri.

Elle trouvait cette femme absolument fascinante. Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui la rendait si intéressante: peut être le chic de son attitude avec la vulgarité de son maquillage, ou encore le travail de son vêtement et l’impression de saleté qu’elle dégageait.

En l’observant, elle essayait de deviner la raison de son voyage, et la vérité lui apparaissait toujours comme absolument flagrante: en quête de confiance en elle, cette femme rejoignait tous les mardis soirs son amant pour un court coït dans sa voiture, sur le parking du supermarché en face de la gare. C’était le genre de femme à préférer un amant sans aucun intérêt ni charme au fait de rester seule. Alors, tous les mardis soirs, elle offrait son corps meurtri par le temps à cette enveloppe vide. Elle entrait dans la petite voiture avec toujours l’espoir que le sperme dégueulasse de l’homme comble les failles des rides de son corps, et en ressortait trente minutes plus tard, toujours aussi sèche, vide et molle, avec à l’estomac un creux grand comme son estime d’elle-même qu’elle avait aujourd’hui totalement perdue.
 
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