lundi 30 mars 2009

I'm a Street Walking Cheetah with a heart full of Napalm.

Aspirée une nouvelle fois dans la rame de métro, elle s’adossa elle aussi contre la paroi du monstre tubulaire et attendit qu’il la vomisse dans une autre station. Les tubes néons défilaient à l’extérieur du wagon, faisant trembler ses yeux. Les visages arboraient tous la même expression de lassitude. Elle avait même l’impression que certains se forçaient à afficher une bouche sèche et des lèvres serrées, pour ne pas se faire remarquer. Pour être invisible.
Elle regardait son reflet dans la vitre. Une masse floue de cheveux noirs, des yeux perçants, une silhouette sombre. Son reflet l’accusait, il la pointait du doigt, lui attrapait les épaules en la secouant. Il lui collait des baffes monumentales, faisait rougir ses joue.

« Réveille toi! » qu’il lui disait.
Réveille-toi. Ne meurs pas. Réveille toi.

Sa station. Elle quitta son reflet accusateur et reprit sa valse citadine dans la marée humaine. Bousculée, bringuebalée, elle sortit de la masse humaine et s’installa sur un banc. En face d’un bâtiment monumental, elle alluma une cigarette. Prenant une grande inspiration, elle observa la façade. Un bloc énorme de pierre superposées les unes sur les autres, un monstre immense dominant la place. Les colonnes, les pierres sculptées, les portes lourdes lui évoquaient la grandeur passée de ce qu’avait pu être le cerveau humain.
Ça l’effrayait parfois d’imaginer les centaines de milliers de connexions à la seconde qui s’opéraient à l’intérieur de son crâne. Comme des milliers de chocs électriques qui lui vrillaient la tête à longueur de journée. Il lui semblait que l’association du froid, de l’image du colosse de pierre qui se dressait devant elle et de la musique dans ses oreilles endormait ces chocs, qui cessaient alors de cogner sa tête à tous instants.
Elle était apaisée. Comme si une main immense couvrait son visage, passait dans ses cheveux, lui disait de s’endormir.
Laissant ses connexions en plein milieu de la place trempée, elle reprit sa route. Plus légère d’une tonne environ, les poings enfoncés dans les poches de sa veste, elle avançait.
Le froid lui mordait le visage. C’était un froid pinçant, piquant, brûlant. Elle fourra un peu plus son visage dans son écharpe. Le rythme de ses pas lui semblait réglé sur la batterie. À ce moment précis, elle n’avait aucune attache. À ce moment précis, elle aurait voulu tout embrasser, tout entendre, tout voir, tout sentir de la rue. Elle aurait voulu se plonger dans le bain de la misère, en comprendre la moindre subtilité, en connaître le moindre détail. Elle aurait voulu faire corps avec le goudron humide, aspirer le pétrole, avaler le gravier.

dimanche 22 mars 2009

Too Much for my Mirror

Encore des pages que je noircirai de mots patauds, d’expressions incertaines, de phrases puantes d’ignorance.

Je ne suis qu’un embryon, une ébauche de quelqu’un. Je suis floue. Je tente en vain de m’inventer des contours à l’aide de mon écriture imparfaite, sans y parvenir une seule seconde.
Je ne suis qu’une masse sans odeur, sans couleur, sans saveur. Une éponge qui ne sait que trop mal recracher ce qu’elle absorbe.

Et pourtant mon bras fourmille, il m’appelle. La douleur lancinante de l’immobilisme me submerge, et j’aligne alors des mots sur le papier comme on déballerait un sac de provisions.
J’abhorre la médiocrité de ce que je produis , mais j’en ressens pourtant le besoin. Le besoin me pourrit, il irradie mon estomac. Avec une frénésie sans pareille, je cherche ma dose de mots bien pensés, mon quota d’amertume.

L’inspiration finit toujours par s’essouffler. Je m’y accroche pourtant, je la suis avec l’énergie du désespoir, je m’y agrippe comme une sangsue à un mollet. Je la supplie de rester, les yeux remplis de larmes et de colère, mais déjà je me sens trébucher.
J’expose mes viscères au grand public, je fais un numéro bancal, presque pathétique, et ne récolte que quelques applaudissements mous, donnés à contrecœur.

vendredi 20 mars 2009

Free and freaky

Il avait quelque chose. Petit, pâle, presque laid. Son dos était voûté, et son crâne reposait lamentablement au sommet de sa colonne tordue. Silhouette fantomatique.
Son visage était presque effrayant. Un profil tranchant, de minuscules yeux gris, qui vous percent la peau et vous font dresser l'échine. Le genre d'yeux qui vous traversent la boite crânienne et lisent dans vos pensées. Qui réduisent à l'état de cendre toute tentative d'envolée lyrique merdique. Regard hypnotique.

Les applaudissements timides à la fin de chaque morceau. L'indifférence totale des habitués. Cerveau-éponge.
Et puis elle. Écoutant les entrailles de la terre. Son viscéral.
La lumière jaunâtre sur son visage trempé de sueur, son aura inexistante.

Il gerbait sa musique. Elle se prenait toutes les éclaboussures en pleine face, et elle aimait ça.
Pas d'osmose, pas de transe. Pas de larme ni de sourire.

Le petit corps se mouvait étrangement bien sur la musique. Chaque phrase prononcée était accompagnée d'un spasme particulier. Pantin désarticulé.

Son souffle saccadé, ses paupières lourdes. Et sa voix, râle rauque et désaccordé, totalement faux et à contre-temps. Le résultat était insupportablement beau. Une magnifique harmonie de laideur.

lundi 2 mars 2009

House of the Rising Sun

Un seul coup d’œil à cette baraque, et ça vous saute à la gueule qu’on vient y mourir. Cette maison pue la mort. On la sent jusque dans les murs. Ils sont engorgés de regrets, ils suintent d’inachevé, ils transpirent les erreurs. Dès l’entrée, l’humidité vous assaille les narines. Ça sent la fin de vie.
Les souvenirs alourdissent l’atmosphère, ils font se fermer les paupières des mourants qui remplissent ces quatre murs. Le silence est pesant. Il bouffe tout l‘oxygène.
La poussière danse dans le peu de lumière qui filtre à travers les lourds rideaux miteux. Une fine pellicule s’est déposée partout dans la maison, et personne ne trouve le courage de la nettoyer.
On ne peut pas traverser une pièce sans rencontrer des sandales en plastique blanc, des chaises percées, des alèses ou des lambeaux de dignité.
Les yeux sont clairs, vitreux. La peau est fine et craquelle en certains endroits. Les taches forment des signes fantomatiques, à la naissance du crâne là où les cheveux se font clairsemés. Le visage entier tombe lentement, se décompose, se défigure, pour n'être plus qu'un amas d'organes flétris, secs comme la glace.
 
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