jeudi 15 avril 2010

Les enfants du siècle sont tous un peu fous.

Mes sens sont engourdis. Je suis une personne lâche, névrosée, peureuse et angoissée. L’angoisse me coupe les jambes. Elle y sème des millions de vers qui petit à petit me bouffent le courage. Alors je reste assise, et je lève le coude.
Je lève mon verre. À nos peurs irraisonnées, à nos rêves brisés, à nos années perdues. À nos œillères, à nos muselières. À nos larsens, à notre vue qui se trouble, à notre angoisse lancinante.
Je lève mon verre. À tous ceux qui crèveront de froid cette nuit. À tous ceux que la vie a déchirés. À l’odeur pestilentielle d’un homme qui se laisse périr. À la couche de crasse qui les recouvre. À leurs paupières mi-closes, à leurs yeux grands ouverts.
Je lève mon verre. Au Darfour, à Haïti, au Cachemire, à la Géorgie.
Je lève mon verre. À ce que je dégueulerai demain, à la morve, à la crasse, à la bile et au sperme.
Je lève mon verre. À tes yeux candides, brillants, vierges de toute désillusion. À la manie que tu as de mentir. À ton admiration pour moi. Au fait de t’avoir vue grandir.
Je lève mon verre. Aux sommets, aux gouffres sans fin, aux grands espaces. Aux carcans étroits et inconfortables. Au mensonge, à la sournoiserie, à la fausseté, à l’avarice, à la connerie.
Je lève mon verre. Aux stigmatisés, aux oubliés, aux rejetés, aux mal-aimés. Aux laissés pour compte, aux souffre-douleurs, aux bêtes de cirque.
Je lève mon verre. Aux alcooliques, aux drogués, aux névrosés, aux passifs-agressifs. Aux comportements troublés, aux gestes interprétés, aux souvenirs faussés, aux autres enfouis. À ceux qui restent. À ceux qui partent, qui sont partis, qui partiront.
Je lève mon verre. À nos erreurs, à nos succès, à nos défaites. À notre honte, à celle des autres. Aux exhibitionnistes, aux fous à lier, aux malades. Aux génies oubliés, à Henry Charles Bukowski, à Jack London, à Martin Eden et à Arturo Bandini. Au Diable, à sa guitare. Aux idoles que l'on brûle, à celles que l'on adule.
Je lève mon verre.
 
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