lundi 9 juin 2008


27 minutes et 14 secondes.

27 minutes et 14 secondes que mon regard fait l'aller-retour entre le tube de néon qui grésille et la mouche posée sur le cadre d'une imitation de croûte impressionniste qui orne fièrement le mur écru de la salle communale.

Donc en comptant bien,sachant que les réunions commencent toujours avec en moyenne 8 minutes de retard,que ma montre retarde de cinq minutes,qu'un train A lancé à 136km/h rencontre un train B dans une gare X,et que surtout on nous ment,on nous spolie,même sur l'heure qu'il est,et que donc par conséquent ne vous prenez jamais au jeu de croire ce que vous dit l'horloge parlante,il doit etre 18h45.environ.dans le méridien de greenwich.parce qu'au fin fond de la foret amazonienne,il est l'heure de gouter pour les petits enfants.la-bas,il fait chaud et humide,on se balade popol au vent à travers la jungle,avec de la terre qui entre entre les orteils,des moustiques qui vous foncent dessus,des morceaux de fougère dans les cheveux et un sentiment de liberté grisant.

là-bas ce qui est sûr,c'est qu'aucun tube néon ne leur prend la tête en essayant de s'allumer alors que tout le monde sait mon vieux que t'es plus capable.Avec en prime le petit "cling" à chaque entreprise ratée,sorte de "hé ho les potes,je suis là!je suis un winner moi,je vais y arriver!"
seulement voila,il se trouve que j'y suis pas,en plein milieu de la foret amazonienne.non môssieur.moi,je suis dans la salle communale des fourgs,village du fin fond du doubs.ce soir,réunion à propos des cloches de l'église,pour savoir si il fallait passer à un système électronique ou si il fallait rester dans le manuel.donc,débat endiablé entre pro-électronique,tournés vers l'avenir,jeunes,beaux,blonds,les cheveux au vent,chevauchant un pur-sang sur la plage,avec une musique bien ringarde en fond sonore et bien trop de rose dans l'image,et les conservateurs,mini-Churchill jurassiens fiers des cordes qui tirent les cloches comme un coq est fier de sa crete rouge et pleine d'excroissances.

En fait moi je suis venu parce que madame dumaque,elle fait une tarte au poireau,à s'en bouffer le tortillon,et aussi parce qu'il y a de la bière gratuite.ici c'est clair,le premier qui se balade popol au vent se fait interner direct.les valeurs se perdent moi je dis.
monsieur frantin est en plein allocution.cet homme m'inspire.suffit qu'il dise"mon village,je l'aime comme il est"pour que je me le figure en train de chanter "that's the way han han han han i like it"sur l'estrade,empoignant le micro dans son poing tout rouge.des danseuses déguisées en brésiliennes arriveraient alors pour faire une chorégraphie du feu de dieu et on finirait tous par jouer a la course de chaises,suants,les bajoues rebondissantes comme des superballes.
une marée de mains se levant pour la conservation du systeme manuel d'actionnage des cloches me sort de ma rêverie,et achève de tuer le dernier de mes espoirs de course de chaises.les cavaliers blonds tous nus ralent un peu,monsieur frantin serre la main du maire à qui,tout le monde le sait,il a envie de piquer la place depuis qu'il a réduit le budget 3eme age,et moi je pique un morceau de tarte aux poireaux à un mioche en lui jetant un regard du genre de niro dans taxi driver "you talkin to me???",sauf que j'ai pas un hirokwa sur la tête et un flingue dans la main,et que j'essaie pas de kidnapper ma copine prostituée.

et tout ca sous les milliers d"yeux médusés de la mouche du tableau impresionniste,qui se dit que décidément elle a bien du mal à distinguer le comportement des homo sapiens sapiens de celui de sa cousine la mouche bleue,plus communément appelée mouche à merde.
je sors de la salle,le ventre plein de poireau et de pate brisée,et me dirige vers la petite colline ou il y a l"église.je remonte d'abord la seule rue du village,passe par le jardin des campi,ou le chien essaie meme plus de me mordre parce qu'il sait enfin qui est le chef yo,et meme les escargots,princes de la foret,frémissent de tout leur corps gastéropodique sur mon passage.

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